Tilly
Aussi appelée de Villieu
Histoire de la seigneurie
Le 29 octobre 1672, l'intendant Jean Talon concède, au nom du roi, au sieur Claude-Sébastien de Villieu, lieutenant de la compagnie de Berthier du régiment de Carignan; « en considération des bons et louables services qu’il avait rendus à Sa Majesté en différents endroits, tant en l’ancienne que dans la nouvelle France... de l'estendue des terres qui se trouveront sur le fleuve Saint-Laurens depuis les bornes de celles de M. de Lauzon jusques a la petite rivière dite de Villieu, icelle comprise, sur une lieue et demye de profondeur.» Cette concession était faite aux conditions ordinaires, c’est-à-dire à la charge de la foi et hommages et avec l’obligation de tenir et de faire tenir feu et lieu sur la dite seigneurie.
Le recensement de 1681 donne comme renseignements qu'il y a 5 familles. Les premiers colons de Villieu : Adrien Hayot, Nicolas Delahaye, Pierre Lambert, Pierre Bourgoin et Benoît Boucher, comptant 15 habitants, installés à Villieu, avec 28 arpents en valeur. En 1683, Mgr de Saint-Vallier nous apprend que la population, loin d'augmenter, « avait diminué de 5 âmes et qu'il n'y avait plus que 4 familles et 10 âmes dans la seigneurie de Villieu. »
Seigneurie de Tilly
Le 31 août 1700, Claude-Sébastien de Villieu, écuyer-capitaine, commandant une compagnie des troupes du détachement de la marine entretenue par Sa Majesté à l’Acadie, avait acquis les droits de son frère Pierre de Villieu. Il vendait ensuite à Pierre-Noël LeGardeur, sieur de Tilly, lieutenant dans les troupes de la marine; « la terre, fief, justice et seigneurie de Villieu avec les cens, rentes, et autres droits, même les arrérages dus par les tenanciers. » La vente était faite pour le prix de trois mille livres, monnaie du pays, payable deux mille livres comptant, et la balance dans une année. La seigneurie de Villieu prit dès lors le nom de Tilly.
Pierre-Noël LeGardeur de Tilly était alors âgé de 48 ans. Il avait épousé en deuxième mariage Madeleine Boucher, une des filles du gouverneur des Trois-Rivières, Pierre Boucher, et en avait eu une nombreuse famille. L’année même de son acquisition, il vint s’établir à Tilly. C’était un homme énergique et il se mit résolument à l’œuvre pour coloniser son beau domaine.
Église Saint-Antoine de Pade
Le seigneur de Tilly commença par construire une chapelle. Dès 1702, on y faisait les offices. Elle était en bois. On n'est pas absolument fixé sur le site exact de cette chapelle. Une tradition orale veut qu'elle ait été bâtie au pied de la falaise, à quelques arpents de l'église actuelle; d'autres soutiennent qu'elle s'élevait à la pointe Aubin, sur la terre jadis possédée par M. José Lallemand.
Église en colombage recouverte de bois et de paille
des premiers temps de la colonie.
La seigneurie de Tilly fut d’abord desservie par M. Honoré Hurette, missionnaire récollet, qui décéda en mars 1724. Il était donc tout naturel qu’il mît le nouveau temple sous le patronage de saint Antoine de Padoue (Pade) qui est un des plus grands saints de l’ordre de saint François.
Sous la vigoureuse impulsion du seigneur LeGardeur, la population de Saint-Antoine-de-Tilly ne tarda pas, à augmenter. On constata bientôt que la petite église en bois ne répondait pas aux besoins de la paroisse. Il fallut donc songer à rebâtir ailleurs. Le 30 juin 1712, Pierre-Noël LeGardeur, écuyer, seigneur de Tilly, et Madeleine Boucher, son épouse, donnaient à la fabrique de Saint-Antoine-de-Tilly, un arpent de terre de front « sur la profondeur que la seigneurie peut avoir », joignant d’un côté au nord-est à Desrosiers, cordonnier, et de l’autre à Jacques Baron, père, pour y bâtir une église et un presbytère. Cette donation était faite à la condition que les donateurs et leurs enfants soient enterrés dans l’église aux frais de la fabrique.
Il devait s'écouler plusieurs années encore avant que la fabrique de Saint-Antoine-de-Tilly puisse utiliser le don généreux du seigneur LeGardeur et de son épouse. La mort du principal donateur survenue le 15 août 1720, et le peu de fortune de la plupart des habitants de Saint-Antoine-de-Tilly ne furent probablement pas étrangers au long retard apporté à la reconstruction de l'église.
Toutefois, en 1721, la petite chapelle de bois tombait littéralement en ruines. Les marguilliers de l'œuvre et fabrique de Saint-Antoine-de-Tilly, Jean Cauchon, Pierre Lallemand et Jean Grenon se décidèrent enfin de rebâtir l'église et de construire un presbytère. Ils présentèrent à cet effet une requête à l'intendant le priant d'ordonner aux habitants de la paroisse de s'assembler afin de nommer quatre d'entre eux pour faire un état estimatif des dépenses pour ces constructions, et ensuite établir la répartition de ce que chacun serait tenu de contribuer.
Le 19 mai 1721, l’intendant Bégon rendait son ordonnance. Les habitants de Saint-Antoine-de-Tilly avaient ordre de s’assembler pour décider s'ils devaient :
1 — réparer la vieille chapelle ou construire une église nouvelle;
2 — construire en bois ou en pierre;
3 — choisir quatre habitants chargés de faire l’état estimatif du coût des travaux; ou
4 — fixer la répartition.
Les paroissiens de Saint-Antoine-de-Tilly se réunirent et décidèrent de rebâtir en pierre et sur le terrain donné par le sieur Le Gardeur, à quelques pieds au nord de l’église actuelle. Commencés dans l’été de 1721, les travaux furent terminés à l’automne de la même année. Le 23 août 1721, l'intendant de la Nouvelle-France émet une ordonnance condamnant 11 paroissiens, dont « la veuve de Louis Rognon, Marie-Anne Grenon », « à payer au marguillier en charge de la paroisse, la somme qu'ils doivent pour payer la bâtisse du presbytère de ladite paroisse. » L'église servira au culte pendant 67 ans seulement. En 1788, une nouvelle construction remplacera l'édifice actuel.
Le 20 septembre 1721, M. de Vaudreuil, gouverneur et lieutenant-général de la Nouvelle-France, Mgr de Saint-Vallier, évêque de Québec, et M. Bégon, intendant, déterminaient le district et l'étendue de chacune des paroisses de la Nouvelle-France. Du fief de la côte de Lauzon jusqu'au fief de Sainte-Croix. L'étendue de la paroisse de Saint-Antoine-de-Tilly était donc de trois lieues et un quart de front sur le fleuve Saint-Laurent, et une lieue et demi de profondeur.
Nouvelle seigneuresse de Saint-Antoine-de-Tilly
Après le décès de Pierre-Noël LeGardeur, le 15 août 1720, son épouse, Madeleine Boucher effectue son premier devoir de seigneur. Elle se rend à Québec rendre foi et hommages à son seigneur et roi devant l'intendant Bégon. Elle pose un genou par terre et se déclare vassale du roi. C’était un geste symbolique par lequel elle doit prouver son engagement envers son roi. Par la même occasion, elle demande à l'intendant Bégon de procéder au dénombrement des censitaires de la seigneurie de Tilly dont elle vient d'hériter.
Cet autre devoir d'aveu et dénombrement du seigneur est de fournir le dénombrement et le répertoire complet des terres concédées, les noms des censitaires et l’étendue des montants déterminés comme cens et rentes. Le seigneur doit aussi réserver le bois de chêne pour la construction des vaisseaux du roi. Il doit surtout y tenir feu et lieu, c'est-à-dire construire un manoir, y habiter et faire ériger un moulin à farine pour ses censitaires. Ces derniers peuvent vendre leur terre, mais celui qui achète doit concéder au seigneur le douzième du prix de vente. C’est le droit de lot et de vente. Mais si l’on donne la terre de père en fils, on ne doit rien du tout. Les censitaires avaient des redevances envers le seigneur; c’est ce qu’on appelait les cens et rentes qui devaient être payées une fois par année à la Saint-Martin, le 11 novembre et parfois on pouvait attendre à la Saint-Michel.
La plupart de ces vaillants défricheurs ont permis aux familles de se multiplier et de contribuer à la fierté du beau comté de Lotbinière.
Manoir seigneurial de Tilly bâti en 1786
par le seigneur Jean-Baptiste Noël.
Photo - Fonds de la Société du patrimoine de Saint-Antoine-de-Tilly
Répartition des familles de Saint-Antoine-de-Tilly
En étudiant le résultat du dénombrement terminé en 1723, on remarque que la concession de Jacques Baron, père, apparaît au neuvième rang de la liste. C'est ce même Jacques Baron qui était voisin de la terre appartenant à la fabrique de Saint-Antoine. Le voisin immédiat du côté ouest est son fils Jacques Baron qui avait épousé, le 17 novembre 1721, M.-Anne Grenon, veuve de notre ancêtre Louis Rognon, fils de Michel Rognon dit Laroche. Elle était sage-femme et demeurait à environ six ou sept arpents de l'église. Elle a ondoyé plusieurs nouveau-nés en danger de mort. C'est pourquoi on retrace souvent le nom de la « bonne femme Rognon », « la veuve Rognon », « la bonne femme Baron » dans les registres de la paroisse Saint-Antoine-de-Tilly.
Les recherches ont permis de découvrir qu'à cette date, il n'y avait aucune famille Rognon ayant une concession à ce nom. Ce n'est que quelques années plus tard que les garçons Rognon obtinrent des terres par l'entremise de leurs épouses; les Baron, les Bergeron, les Charest, les Croteau, les Garneau, les Houde, et plusieurs autres.
Maison construite en 1794 sur le chemin Terre Rouge.
Une des concessions de colonisation de la seigneurie de Tilly.
Photo - Collection privée
Vers 1774, nous avons retracé des familles Rognon qui avaient changé leur nom pour celui de Laroche. Nous n'avons toutefois pu trouver la raison de ce changement de nom. Est-ce que, après la conquête par les Anglais, les jeunes Rognon voulurent adopter le nom de soldat de leur ancêtre, Michel Rognon dit Laroche, c'est possible… Le nom de Rognon n'apparaît plus dans les registres de Lotbinière après 1800.
Claudette Laroche
Municipalités de la seigneurie